Laura Oppelt
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La vie en Norvège avec Laura Oppelt

Après l’interview de Joffrey qui nous a emmené sur les routes de  la Panaméricaine dans son 4×4, voici le portrait de Laura Oppelt (son Instagram et son site internet), une jeune photographe allemande de 20 ans qui vit en Norvège.

 

Bonjour Laura, pour commencer, pourrais-tu nous en dire un peu plus sur toi ?

 

Laura Oppelt
Laura Oppelt

Bonjour, je suis une photographe autodidacte semi-professionnelle originaire d’un petit village de Bavière, dans le Sud de l’Allemagne.

 

Je suis passionnée de randonnées pédestres et de photographie de paysage. Heureusement, ces passions vont très bien ensemble et j’arrive à combiner les deux pendant mon temps libre.

 

En ce qui concerne mon matériel, je suis équipée d’un Canon 6D monté d’un grand angle Canon 16-35mm f/4. J’emporte toujours avec moi mon objectif Sigma 20mm f1.4 (que j’utilise pour les photos de nuit) et mon téléobjectif Canon 24-105mm f/4.

 

J’utilise aussi un trépied Sirui, des filtres Lee et plusieurs accessoires comme une télécommande, du matériel de nettoyage… Pour me tenir chaud pendant les froides nuits étoilées, je fais confiance à la marque autrichienne « The Heat Company » pour laquelle je suis ambassadrice.

 

J’ai obtenu mon baccalauréat en 2017, mais au lieu d’enchainer à l’Université ou en apprentissage, j’ai préféré faire une petite pause. À l’époque, je travaillais pour économiser un peu d’argent pour voyager (je suis allée dans les îles Féroé et en France). À côté de ça, il y avait un rêve que j’avais envie de réaliser : partir vivre une année dans un pays étranger.

 

En mars 2018, c’est devenu une réalité, je suis partie pour la Norvège. Comme je suis très « famille » (j’ai deux frères et sœurs plus jeunes, beaucoup de cousins/cousines) et que j’adore passer du temps avec les enfants, j’ai choisi de devenir jeune fille au-pair dans une famille d’accueil.

 

Laura Oppelt
Photo Laura Oppelt

 

J’y retournerai probablement au cours de l’été 2019 pour commencer un apprentissage en tant que photographe commerciale.

 

1. Pourrais-tu nous résumer ton parcours jusqu’à présent ?

 

J’ai grandi à la campagne, depuis que je suis enfant je passe mon temps à l’extérieur à profiter de la nature. J’ai toujours eu un lien très fort à la nature.

 

Puis à l’âge de neuf ans, j’ai eu mon premier appareil photo, et j’ai commencé à littéralement tout photographier autour de moi. C’étaient juste des snapshots de mauvaise qualité, mais j’y ai pris goût et plus tard, je me suis offert avec mes économies mon premier appareil reflex.

 

Au cours de l’été 2013, j’ai finalement acheté un Canon 600D, « l’appareil des débutants ». Depuis ce jour, je n’ai cessé d’essayer d’améliorer mes connaissances (c’est toujours le cas !) et je me suis naturellement spécialisée en photographie de paysage. Être à l’extérieur et faire de la photo, il ne m’en faut pas plus.

 

Pendant cette période d’intense activité, j’ai connu plusieurs moments marquants. Des moments d’une beauté incroyable, qui m’ont fait prendre conscience que je progressais parce que je savais ce que je faisais. C’est à ce moment que je me suis rendue compte à quel point la photographie était importante pour moi.

 

J’ai même remporté quelques petits concours à l’époque. Mais mes progrès les plus importants  eurent lieu en 2016, lorsque je suis passée au capteur plein format.

 

Même si le matériel est secondaire et qu’il n’est qu’un médium pour capturer des images, il m’a permis de repousser mes limites beaucoup plus loin. La meilleure façon d’apprendre restera toujours la pratique : essayer, échouer, recommencer.

 

J’ai beaucoup appris durant mes voyages, j’ai découvert des endroits merveilleux et appris à apprécier la beauté de notre planète. Je me considère toujours comme une apprentie, et lentement je trouve mon style, d’ailleurs je suis curieuse de voir ce que l’avenir me réserve…

 

2. Justement, tu as un style fort, coloré et plein de mysticisme, comment as-tu fait pour le trouver ?

 

Laura Oppelt
Photo Laura Oppelt

 

Je pense que trouver son style demande du temps, et que c’est quelque chose qui ne finit jamais. Je suis donc toujours en train de le développer. Mais pour en arriver là où je suis actuellement, je m’inspire autant que possible d’autres photographes.

 

Étudier leurs photos, essayer de comprendre ce qui rend leur style si particulier, comparer le travail de différents artistes, en bref élargir mon horizon – voilà ce qui m’a aidé et ce qui m’aide encore.

 

Essayer, échouer, apprendre de ses erreurs et recommencer encore, c’est la meilleure façon de progresser. Il ne faut pas avoir peur de demander l’avis d’autres personnes, parce qu’elles verront des choses que vous n’avez probablement pas remarqué.

 

J’ai commencé à poster mes photos sur différentes plateformes, allemandes et internationales pour recevoir un feedback constructif sur mon travail et ce que je devais améliorer.

 

Parallèlement à ça, je recommande vraiment de s’entourer de personnes ayant le même état d’esprit que vous, et aussi de se former en ligne avec des tutos. Ce qui booste beaucoup la créativité, c’est de se connecter aux autres, et de s’inspirer de ce qu’ils font.

Tant qu’on ne les copie pas ! Il faut trouver son propre style.

 

3. Tu es allemande et tu vis en Norvège, une destination de rêve pour beaucoup de photographes ! Peux-tu nous expliquer à quoi ressemble la vie ici ? Qu’est-ce qui t’a impressionné le plus chez les norvégiens ?

 

Si j’ai choisi la Norvège comme destination pour passer mon année de jeune fille au-pair, c’est bien sûr à cause de la photographie.

 

Mis à part le fait que les paysages sont ici juste incroyables et que j’ai la chance de pouvoir les explorer, la Norvège m’attirait aussi pour sa culture, ses habitants et le mode de vie scandinave. Travailler au-pair m’a semblé être la meilleure option, et je ne le regrette absolument pas.

 

Je vis dans un petit village près de Trondheim, qui s’appelle Buvika, dans le centre de la Norvège. Même si j’adore la haute montagne (qui n’existe pas dans la région de Trondheim), j’aime beaucoup la vie ici. Les paysages sont peut-être plus silencieux, moins montagneux, mais ils n’en sont pas moins magnifiques !

 

Et puis je profite de mes week-ends et de mes vacances pour visiter le pays. Ce que je préfère le plus dans la vie nordique, c’est le côté tranquille et calme des gens. Tout semble moins stressant qu’ailleurs. C’est vrai qu’au premier abord, les norvégiens sont plutôt distants, timides et introvertis, mais dès que la glace est brisée, ils deviennent plus chaleureux et amicaux.

 

4. Si tu devais choisir, quels sont les 3 endroits que tu recommanderais de visiter en Norvège à nos lecteurs ?

 

En venant en Norvège, j’avais pour objectif de trouver de nouveaux endroits, ou tout au moins des endroits moins connus que ceux que l’on voit partout. Je veux sortir des sentiers battus et montrer qu’il y a encore beaucoup à découvrir, et qu’il n’existe pas que des spots comme Trolltunga ou Preikestolen par exemple.

 

Je ne veux pas aller là où tout le monde va, et quand il m’arrive d’aller dans des endroits connus, je m’arrange pour être plus créative et trouver d’autres façons de les photographier.

 

Sinon, pour être franche, je ne vais pas vous donner toutes mes petites pépites que j’ai trouvé, c’est mon secret…Mais parmi celles-ci, je vous recommande Hjørundfjord (l’un des fjords les plus spectaculaires de Norvège selon moi), la capitale des montagnes Åndalsnes, avec ses sommets impressionnants et la route de l’atlantique, l’une des plus belles routes d’Europe !

 

5. Parmi toutes les destinations où tu es allée, lesquelles t’ont le plus marquées ?

 

Laura Oppelt
Photo Laura Oppelt

 

C’est incontestablement le mélange des montagnes et des fjords, que j’ai découvert en Norvège et dans les îles Féroé jusqu’à présent.

 

Ces montagnes géantes se dressant au-dessus de la mer sont à couper le souffle et me donnent le sentiment d’être toute petite et insignifiante dans cette nature. D’une manière générale, je suis attirée par l’eau et les rochers, que ce soient des cascades, des rivières et des torrents, des lacs de montagne ou un pic au-dessus d’un fjord.

 

Les côtes déchirées de la Bretagne et de l’île de Majorque m’ont aussi beaucoup impressionnée. Et puis il y aura toujours mes chères montagnes de Bavière qui occuperont une place particulière dans mon cœur !

 

6. De nos jours, il est rare de trouver un jeune sans un smartphone dans les mains. Que penses-tu du rôle des réseaux sociaux dans notre société ? Dans quelle mesure sont-ils utiles et bénéfiques ?

 

Pour moi, les réseaux sociaux sont une bénédiction et une malédiction à la fois. D’un côté, vous avez plein d’aspects positifs comme d’être une source d’inspiration, de connecter entre eux les gens qui s’intéressent aux mêmes choses.

 

Mais d’un autre côté, j’ai l’impression que tout devient de plus en plus superficiel. Et par moments cela devient un univers parallèle qui vous prive de la réalité. Là, ça devient dangereux, parce que chacun prétend vivre une vie parfaite en ne montrant que les bons côtés. En occultant les problèmes et les aléas de la vie, nous nions les mauvaises choses, alors que cela fait partie de la vie.

 

En ce qui concerne les réseaux sociaux et la photographie en particulier, je suis un peu plus critique.

 

J’apprécie toujours la facilité de se connecter aux autres, de présenter son travail et de recevoir du feedback, mais j’ai remarqué une déviance. Beaucoup de photographes ne font que copier les images d’autres photographes parce qu’elles reçoivent beaucoup de likes et de commentaires.

 

Ils voyagent aux mêmes endroits et éditent leurs images de la même manière, tout ça pour être aussi populaires que leurs idoles. Tout ça fait que nous voyons toujours les mêmes images, les mêmes endroits, pris de la même façon. C’est à mourir d’ennui parfois !

 

Bien sûr que ça fait plaisir quand une de nos photos a du succès, mais copier les autres pour gagner de la visibilité n’a rien à voir avec la créativité et la photographie. Et quel est l’intérêt de passer des heures et des heures chaque jour sur Instagram pour liker et commenter au hasard des photos juste pour recevoir ce type de commentaire en retour : « killer shot bro » ?

 

Non seulement cela a de mauvaises conséquences sur la photographie en général, mais aussi sur la nature et l’environnement.

 

Certains endroits ne sont pas faits pour accueillir des centaines de personnes à la fois. Il faut pouvoir gérer cet afflux de visiteurs, et quand ce n’est pas fait, cela se termine par des destructions et une transformation du paysage. En général, la manière de voyager des gens a changé depuis l’arrivée d’Instagram. Ils ne voyagent plus pour le plaisir de découvrir quelque chose de nouveau, mais pour voir les mêmes endroits que tout le monde.

 

Je fais aussi partie du lot, j’ai dans mon portfolio des photos de spots iconiques. Je reconnais que c’est super de les voir de ses propres yeux et d’en faire de belles photos. Une tendance semble devenir de plus en plus populaire : faire des sauts de puces éclairs (le fait d’aller de spots en spots en très peu de temps). Ça me dépasse complétement. Moi, ce que j’aime dans les voyages, c’est me retrouver dans la nature, respirer l’air pur et ralentir mon rythme pour apprécier ce qui m’entoure.

 

Pour conclure, je dirais que tout est une question d’équilibre. Les gens font ce qu’ils veulent, mais pour moi les réseaux sociaux sont d’abord une source d’inspiration et un moyen de développer ma créativité.

 

7. Parmi toutes les photos que tu as faites, laquelle est ta préférée ?

C’est une bonne question ! Difficile d’y répondre tant il y en a, chaque photo a sa propre histoire. En tant que photographe, vous essayez de raconter une histoire à travers votre photo, mais la photo ne montre qu’un moment de cette histoire. Alors cela dépend de mon humeur, parfois je préfère les photos aux couleurs vibrantes, et parfois je préfère les photos plus discrètes.

 

Mais finalement, il y en a toujours une sur laquelle je m’arrête. Je l’ai appelée « fogwave », et elle montre une couche de brouillard flottant au-dessus d’une arête. Je l’ai prise avec un temps de pose de 30s., en mars 2017, dans un coin des Alpes allemandes qui s’appelle « Ammergauer Alpen ».

 

Laura Oppelt
Photo Laura Oppelt

 

Alors que je suis partie de nuit dans la vallée, sous les étoiles, le ciel s’est obscurci d’un haut brouillard. Une fois au sommet, j’ai vu quelque chose que je n’avais encore jamais vu : le brouillard flottait d’un côté à l’autre de l’arête. Cela n’a pas duré longtemps, et je suis vraiment contente d’avoir pu prendre cette photo.

 

8. Apprendre de nouvelles compétences demande du temps et de la pratique, mais des conseils avisés peuvent nous faire gagner du temps ! Quels sont les 3 conseils que tu donnerais à un débutant en photographie de paysage ?

 

Tout d’abord, familiarisez-vous avec les fondamentaux comme les réglages de votre appareil. C’est très important parce que votre appareil est un outil qui va matérialiser vos idées créatives. Il faut comprendre l’interaction des différents réglages pour savoir ce qui va se passer quand vous appuierez sur le déclencheur. Passez autant de temps que possible sur ce sujet.

 

Je me souviens être restée éveillée des heures certaines nuits à lire des livres sur la photographie pour en comprendre tous les mécanismes. J’étais épuisée le lendemain matin et je m’en voulais un peu, mais au final je ne pouvais pas faire autrement que de collecter toutes ces informations.

 

Sinon, je me suis beaucoup inspirée des autres photographes. Découvrir ce qui nous plait dans leur travail et essayer de l’intégrer dans le nôtre. Prenez votre temps et apprenez leurs techniques de composition, de gestion de la lumière et de post-traitement. Vous pouvez aussi suivre des tutos pour aller plus loin. J’ai passé des nuits entières à visionner des vidéos sur le post-traitement des fichiers RAW. Ça peut paraître fou mais ça m’a vraiment aidé à progresser.

 

Recevoir des critiques constructives peut aussi vous aider à avancer, si vous êtes prêt à les accepter.

 

En fin de compte, vous pouvez passer beaucoup de temps à progresser en photo même si vous n’avez pas d’appareil photo entre les mains. Si vous êtes vraiment passionné, ce ne sera que du pur bonheur !

 

9. Quels sont les artistes / photographes qui t’ont inspiré ? Pourrais-tu nous en citer 3 ?

 

Un des premiers photographes que j’ai admirés fut Dennis Polkläser (aussi connu sous le nom de D-P Photography). J’adore vraiment son style sombre et mystique ainsi que les atmosphères dramatiques de ses photos. J’ai même eu la chance de le rencontrer en personne durant mon voyage dans les îles Féroé. Il m’a impressionné par sa simplicité et sa façon de penser.

Il y en a un autre que j’admire, c’est le photographe italien Bruno Pisani, qui possède un style unique au niveau de la gestion des couleurs en post-traitement.

Enfin, le dernier mais non des moindres, Michael Shainblum est aussi sur ma liste, ses photos font plus que m’inspirer, elles me touchent le cœur. Il est un maître dans l’art de mélanger le rêve et la réalité dans ses photos. Je pourrais encore en nommer beaucoup d’autres, mais si vous ne connaissez pas ces trois-là, prenez d’abord le temps de les connaître, vous ne le regretterez pas !

 

10. As-tu des projets dans les cartons ou des pays à visiter prochainement ?

 

 

Laura Oppelt
Photo Laura Oppelt

 

Je suis en train de réfléchir à un voyage dans le Nord de la Norvège, peut-être Senja ou les Lofoten, au début de l’hiver prochain si je peux prendre une semaine de vacances. Mais je n’ai encore rien de sûr de prévu, aussi je ne prévois aucun grand voyage dans un futur proche.

Je vais rentrer en Allemagne à l’été 2019 et j’ai tellement hâte de retrouver mes amis et ma famille, ils me manquent tous beaucoup. Mais sinon j’ai toujours beaucoup de destinations sur ma « bucket list », comme les Alpes, le Canada, les Balkans, la Patagonie. Et je serai plus qu’heureuse si je pouvais me rendre ne serait-ce que dans l’un de ces pays !

 

Merci Laura, retrouvez-la sur son compte Instagram, sur sa page Facebook et sur son site internet !

2 Comments

  • gobois64

    encore une interview hyper intéressante ! j’ai aimé sa réflexion sur les réseaux sociaux ainsi que sa superbe photo de la couche de brouillard sur l’arête montagneuse.
    Merci Stef de nous faire découvrir ces « artistes » photographes !

    • Stef Kocyla

      Merci beaucoup Gérard, j’ai rencontré Laura il y a quelques années en Bavière, par hasard au bord d’un lac, et depuis nous sommes restés en contact. J’ai trouvé son parcours très intéressant, et je pense qu’elle se destine à une belle carrière dans la photographie. Merci pour elle et à bientôt !

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