Mathieu Rivrin
Interviews

La Bretagne selon Mathieu Rivrin

Après l’interview des blogueurs de Trip in Wild le mois dernier, voici l’univers marin d’un photographe de talent, Mathieu Rivrin.

Bonjour Mathieu, et merci d’avoir accepté cette interview, pourrais-tu commencer par nous parler rapidement de toi ?

 

Bonjour, Mathieu Rivrin, je vis en Bretagne à côté de Brest où je suis né il y a 29 ans. Je  suis photographe semi-professionnel depuis 3 ans. Je fais partie d’un collectif de photographes bretons « Breizhscapes » depuis 2013 qui cherchent à proposer sur les réseaux sociaux une nouvelle image de Bretagne en moyenne tous les 2 jours.

En 2015 nous avons sorti notre premier ouvrage « Regards Croisés en Bretagne » avec plus de 10 000 exemplaires diffusés aux 4 coins du monde.

Je suis équipé de matériel Sony mais je ne suis pas spécialement attaché à une marque en particulier ayant déjà eu dans le passé du matériel Canon ou Nikon.

J’utilise au quotidien un Sony Alpha A7R3 qui est tout simplement exceptionnel (par sa dynamique, sa montée en ISO ou encore la rapidité de l’autofocus et la rafale à 10im/s) et répond parfaitement à mes besoins pour capturer toutes les nuances d’un lever de soleil ou encore capturer des vagues lors de tempêtes. Mon objectif préféré est le 16-35mm f2.8 idéal pour capturer des paysages au grand angle de jour comme de nuit. Un 24-105mm f4 et un 100-400mm f5.6 viennent s’ajouter à mon sac photo.

 

 

  1. Pourrais-tu nous résumer ton parcours jusqu’à présent ?

 

J’ai commencé la photo il y a 7 ans lorsque j’ai quitté la Bretagne pour poursuivre mes études à Grenoble.

Mon retour en Bretagne, après quelques années en région parisienne, a été le déclic, maintenant que j’étais sur place, je voulais capturer au rythme des saisons l’évolution des paysages marins mais aussi terrestres.

J’aimerais un jour que la photo m’amène à découvrir le monde et réussir à partager ma passion pour la nature, les paysages, l’aventure et les aspects techniques au grand public. C’est d’ailleurs en ce sens que je vais rejoindre cette année « Photographes du Monde » pour animer des stages et voyages photos.

Mes images sont régulièrement publiées dans des journaux comme le Times, The Guardian, The daily Mirror, Bild ou encore National Geographic et sont utilisées par des entreprises en France comme Lonely Planet, Radio France, SNCF, Hachette et à l’étranger comme Microsoft, Samsung ou Apple.

Je suis très heureux d’exporter ces petits bouts de France à l’étranger.

 

  1. En quoi la photographie est-elle spéciale pour toi ? Pourrais-tu décrire ce que tu ressens lorsque tu fais de la photo ?

 

La photographie est pour moi un moyen de s’évader en pleine nature.

C’est pourquoi j’adore sortir tôt le matin et tard le soir quand il n’y a pas grand monde sur les plages, au pied des phares ou encore sur les sentiers. Il se trouve qu’en plus ce sont les heures où les lumières sont les plus jolies. J’affectionne particulièrement les phénomènes climatiques extrêmes où on se sent tout petit face à la nature.

J’ai en tête un jour d’ouragan (rafale à 196km/h ce jour-là) en Islande sur la plage de sable noir de Vestrahorn ou il était presque impossible de shooter et tenir debout mais quel plaisir j’avais pris !

À mon retour à l’hôtel, j’avais les yeux tout noirs, gorgés de sable !

 

Mathieu Rivrin
Photo Mathieu Rivrin

 

Autre exemple à Saint-Malo, lors de la tempête Eleanor , la mer déferlait sur la ville et j’avais trouvé un rocher plus ou moins abrité pour photographier les paquets de mer, mais de temps en temps une vague éclatait au-dessus de moi, là encore on se sent tout petit mais la sensation est extraordinaire.

 

Mathieu Rivrin
Photo Mathieu Rivrin

 

La photo me permet de vivre ces moments tout en essayant de les immortaliser et les documenter.

Et un dernier exemple encore dans la tempête en mars 2014 lors du passage de la tempête Christine.

Je m’étais rendu ce jour-là à la presqu’île Saint-Laurent pour capturer les vagues sur le phare du Four. Au rythme des vagues et du fort coefficient de marée, la presqu’île était devenue une île, j’étais isolé. Lorsque la mer est redescendue, des blocs de pierre de plusieurs dizaines de kilos avaient été déplacés sous la force de l’océan ? Là encore, les sensations sont décuplées.

 

Mathieu Rivrin
Photo Mathieu Rivrin

 

  1. Tu es breton, quels sont les paysages de Bretagne que tu préfères ? Quels sont tes 3 endroits préférés ?

 

Très difficile comme question, les paysages sont vraiment divers entre le nord, le sud, la terre, la mer. Même les îles de la mer d’Iroise sont différentes et ont chacune leur charme et leurs paysages caractéristiques.
Si je ne devais retenir que 3 endroits, ce serait :

  • le Golfe du Morbihan et son prolongement jusqu’à la côte sauvage de Quiberon où les paysages sont variés et reposants tant qu’on ne s’y rend pas l’été où de nombreux touristes y passent leurs vacances

 

Mathieu Rivrin
Photo Mathieu Rivrin

 

  • Les îles de la mer d’Iroise avec un coup de cœur pour Ouessant, ses paysages, sa faune, mais également ses habitants.

 

Mathieu Rivrin
Photo Mathieu Rivrin

 

  • La presqu’île de Crozon au rythme du sentier de grande randonnée GR34 qui permet de découvrir des paysages très différents en parcourant peu de distance.

 

Mathieu Rivrin
Photo Mathieu Rivrin

 

Voilà 3 lieux mais c’est à contre cœur que je ne t’en donne que 3, j’aurais pu citer la côte de granit rose, les monts d’Arrée, la baie de Morlaix absolument magnifique, la côte d’émeraude et puis un peu plus loin vers la Normandie, la baie du Mont Saint-Michel.

Au-delà des lieux, c’est surtout la période d’octobre à mars qui me plait énormément car il y a peu de monde et les lumières sont magnifiques avec des passages d’averses et d’éclaircies.

 

  1. Quels seraient les conseils que tu donnerais à un photographe qui souhaite venir en Bretagne ?

 

Le principal conseil est de ne pas venir l’été, les réseaux sociaux ont créé une envie des photographes du monde entier de photographier les phares de Bretagne et il n’est pas rare de retrouver 10 photographes face au même phare l’été…

De plus les lumières sont vraiment les plus belles en octobre / novembre et il n’est pas impossible qu’il y ait un coup de vent à cette période. Le risque est important aussi de tomber sur des jours de pluie mais cela fait partie du jeu photographique !

Dernier conseil que je pourrais donner c’est de ne pas hésiter à vous rendre sur les îles et d’y dormir, elles sont souvent authentiques et les lieux vraiment photogéniques.

 

  1. Tu as pris des images extraordinaires durant la tempête Ruzica en 2016, pourrais-tu nous expliquer comment et dans quelles conditions tu les as réalisées ?

 

Ces photos ont été réalisées en février 2016 alors qu’une énorme dépression s’était creusée dans l’atlantique. La houle qu’elle a générée a déferlé sur la Bretagne avec des rafales proches des 140km/h.

Les vagues mesuraient 10m sur le littoral et 15m au large (soit un immeuble de 5 étages !).

Il a fallu anticiper cette tempête et c’est en trio qu’on a décidé de prendre l’hélicoptère piloté par le talentueux et expérimenté Thierry Leygnac  au départ de Vannes. Nous étions donc 2 photographes et un vidéaste à bord.

Après un stop « carburant » après avoir démonté la porte de l’hélicoptère à l’aéroport de Quimper, c’est vers le sud Finistère que la sortie a commencé à la Pointe de la Torche et à Saint Guénolé avant de se diriger vers la Pointe du Raz, l’ile de Sein et la chaussée d’Armen.

 

Mathieu Rivrin
Photo Mathieu Rivrin

 

Comme prévu, les vagues étaient incroyables et le spectacle saisissant.

 

Mathieu Rivrin
Photo Mathieu Rivrin

La sortie s’est prolongée vers le Nord et l’île d’Ouessant. A l’arrivée à Ouessant, l’île était saturée d’embruns et les vagues étaient encore plus monstrueuses que dans le Sud.

Parfaitement placé par le pilote qui faisait du « saute-moutons » avec les vagues, il ne restait plus qu’à capturer les assauts de l’océan sur les phares et les côtes déchiquetées de l’ile.

 

Mathieu Rivrin
Photo Mathieu Rivrin

 

  1. Tu communiques aussi via les réseaux sociaux comme Facebook et Instagram, que penses-tu de leur rôle dans notre société actuelle ? Dans quelle mesure ont-ils leur intérêt et pas l’inverse ?

 

L’intérêt des réseaux sociaux c’est qu’ils permettent de diffuser largement son travail.

J’essaie de publier une image par jour différente sur Instagram et sur Facebook mais je ne te cache pas que c’est très compliqué à tenir comme cadence !

Personnellement je me détache petit à petit de Facebook pour regarder les photos des autres et préfère la présentation d’Instagram plus sobre. Au-delà des photos, Facebook propage régulièrement de fausses informations et les gens s’y insultent au quotidien, c’est pour ça que je prends du recul sur ce réseau social.

 

  1. Parmi toutes tes photos, quelle est celle que tu préfères, et pourquoi ?

 

J’ai du mal à n’en retenir qu’une car ce serait discriminer la Bretagne par rapport à la Normandie ou encore par rapport aux Alpes ou à l’Islande alors je vais t’en donner un peu plus qu’une si possible …

Ma préférée dans la tempête est celle prise au phare de la Jument lors de la tempête Ruzica. Elle symbolise selon moi toute la puissance de l’océan face aux constructions humaines.

Le phare est haut de 47m et la vague avec sa gerbe passera une bonne dizaine de mètre au-dessus de sa lanterne …

 

Mathieu Rivrin
Photo Mathieu Rivrin

 

Ma préférée en drone est celle du phare du Petit Minou réalisée en toute légalité et dans la sécurité des personnes dans le cadre d’une campagne de réalisation de cartes postales.

Ses eaux turquoises sont vraiment fantastiques et cela m’a permis de proposer une image différente de ce phare tellement photographié.

 

Mathieu Rivrin
Photo Mathieu Rivrin

 

Au sol, ma photo du lac des Chésérys avec le reflet du Mont blanc et des aiguilles de Chamonix dans le lac est ma préférée.

L’ascension avec 25kg de matériel sur le dos et 1200m de dénivelé avec une partie dans la neige était compliquée et une fois sur place, le reflet dans le lac était brouillé. Et 5 min avant le coucher du soleil, la lumière a percé dans la vallée éclairant les montagnes et le reflet est devenu parfait.

Se réveiller au milieu des montagnes isolé le lendemain matin face à ce paysage et ce sommet mythique a été un des moments forts de mon voyage dans les Alpes.

 

Mathieu Rivrin
Photo Mathieu Rivrin

 

Et pour finir, ma photo des méandres réalisée il y a quelques années avant que le spot ne soit pris d’assaut par les photographes est une de mes préférées par ses teintes bleues et le contraste avec le Mont Saint-Michel tout d’or vêtu.

Je n’ai depuis pas retrouvé cette profondeur dans le bleu quand j’y suis retourné.

 

Mathieu Rivrin
Photo Mathieu Rivrin

 

  1. Quelles sont tes inspirations ? Cela peut être d’autres photographes bien sûr, mais il y a peut-être d’autres domaines qui t’inspirent ? Pourrais-tu nous en donner au moins 3 ?

 

On peut effectivement trouver l’inspiration dans d’autres domaines, la peinture par exemple, la musique également ou encore les documentaires animaliers, de découverte ou de voyage.

Il y a certains photographes dont j’attends avec impatience leur prochaine image et admire leur travail.

Je te citerais 3 photographes étrangers :

  • Ray Collins pour son travail incroyable au cœur des vagues
  • Benjamin Hardmann photographe australien qui capture la beauté des paysages arctiques
  • Hannes Becker, un photographe voyageur au style épuré qui apporte une nouvelle vision sur des paysages naturels fortement photographiés par le passé.

Et 2 photographes français :

  • Yann Arthus Bertrand dont on ne présente plus le travail et qui est vraiment un modèle à suivre pour ses images, ses documentaires mais aussi sa vision du monde actuel et les changements écologiques qu’il faudrait y apporter.
  • Jean Guichard pour son travail sur les phares dans la tempête ou le calme avec des angles et des lumières fantastiques.

 

  1. Tu fais aussi de la photographie et de la vidéographie aériennes, quelles sont les contraintes de la photo avec un drone (légales, techniques…) ? Si tu avais un conseil à donner à un pilote débutant ?

 

Les prises de vue en drone sont très contraignantes surtout en Bretagne avec la forte activité militaire.

Tous mes vols sont réalisés en toute légalité et je ne peux m’empêcher d’être agacé par ceux qui volent dans l’illégalité et font n’importe quoi. Heureusement les autorités en rade de Brest sont désormais vigilantes car au final ce sont toujours les professionnels qui payent (par un durcissement de la loi) les erreurs des pilotes de loisir ou des blogueurs engagés dans une course aux « likes ».

Au-delà de l’aspect « légal », il y aussi l’aspect sécurité car voler sans autorisations, c’est mettre en danger celui qui vole en hélicoptère, en ulm, en paramoteur voire même celui qui est survolé alors qu’il est sur une plage.

Le conseil que je donnerais à un pilote débutant serait de respecter la loi et surtout de chercher à surprendre le public avec des images graphiques ou aux couleurs étonnantes.

Je finirai cette parenthèse drone en disant que je trouve sincèrement frustrant de voir ces paysages vus du ciel uniquement à travers un écran et un retour vidéo, rien ne vaut un vol en ULM, montgolfière, paramoteur, parapente pour contempler de ses propres yeux les paysages.

 

  1. Quels sont tes projets pour cette année qui vient de commencer, des voyages peut-être ?

 

Les projets sont nombreux. Avant de voyager, j’aimerais avoir couvert en photo et en vidéo une grande partie de la Bretagne et avoir fait un reportage complet également sur la baie du Mont Saint-Michel.

 

Les tempêtes semblent malheureusement derrière nous, il faudra donc attendre la fin de l’année pour revoir de belles houles et continuer mon travail sur les « monstres de l’océan » en Bretagne comme cette image réalisée cet hiver.

 

Mathieu Rivrin
Photo Mathieu Rivrin

 

Cet automne, un voyage dans les Alpes en altitude avec tente et sac de couchage est à l’étude.

Et comme je l’indiquais dans les premières questions, je rejoins cette année « Photographes du Monde » et pouvoir animer des stages et voyages photos me rend très enthousiaste.

Merci à toi Stef pour cette interview sur ton site et bon vent !

Retrouvez Mathieu sur son site internet, son Instagram, son Facebook ou sur sa chaine YouTube !

4 Comments

  • gobois64

    Bonjour Stef,
    merci pour cette nouvelle interview et découverte. Ses photos de mer sont superbes, il capte très les lumières et les ambiances.
    Je n’ai pas commenté ton article précédent sur l’écran BQ car je ne me suis pas encore penché sur ce problème. Peut-être un jour devrai-je car je ne possède que l’écran de mon portable en 17 pouces 🙁
    Je te souhaite un bon dimanche ! Toujours en Norvège ?
    Gérard

    • Stef Kocyla

      Bonjour Gérard,

      Merci pour ton commentaire, c’est vraiment un plaisir de partager les photos de Mathieu, il est en train de photographier la tempête Freya, cela promet encore des photos spectaculaires ! Pour l’écran, j’étais comme toi avant, mais depuis que j’ai vu mes photos en haute résolution et en grand, avec leurs vraies couleurs, je ne peux plus m’en passer. Je suis en Norvège encore jusque demain, après 16 jours (et nuits…) intenses et fructueux ! J’ai hâte de développer toutes mes photos maintenant.

      Bonne journée et à bientôt !

  • Olivier

    Hello Stef,

    Merci pour cette interview d’un photographe de la plus belle région du monde 🙂
    C’est plaisant, je trouve, d’apprendre sur les motivations des photographes professionnels ou semi-professionnels, et d’avoir un aperçu de leur parcours de vie qui les a amené à la photo.
    J’aime beaucoup sa démarche de rester fidèle à photographier sa région, de ne pas considérer qu’il en a déjà fait le tour (sans s’empêcher pour autant de voyager, heureusement). On sent une certaine maturité derrière son jeune âge (c’est le vieux c** en moi qui se réveille^^).
    Les photos sont magnifiques en plus, on y retrouve la richesse de la Bretagne, sa multitude d’ambiances, de décors, de lumière. Il ne me reste plus qu’à trouver leur livre pour me faire un beau cadeau (on n’est jamais si mieux servi que par soi même :)).

    A bientôt pour contempler les photos norvégiennes (celles d’Instagram ont servi de teasers!).

    Olivier

    • Stef Kocyla

      Salut Olivier !
      Je suis vraiment content que cette interview te plaise, à toi un vrai breton ! Son parcours est super intéressant et j’aime beaucoup sa vision des choses et l’univers qu’il crée avec ses photos. Je suis certain que ton commentaire lui fera très plaisir !

      En ce qui me concerne, je quitte la Norvège demain, le temps passe vite mais je pense avoir réussi quelques bonnes choses…La suite au post-traitement très vite !
      A bientôt !

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