Cherchez l’originalité…mais plus sur Instagram !
C’est en discutant avec un copain photographe au dernier salon de la photo qu’on s’est aperçu d’une chose : Instagram conditionne certains de nos choix photographiques.
C’est tout bêtement en observant l’orientation des photos qu’il exposait que nous en sommes arrivés à cette conclusion.
Toutes les photos ont été prises en mode portrait. Verticalement.
Cela n’enlevait rien à leurs qualités, certaines étaient même destinées à être prises de cette manière. Mais pas toutes…
En un instant, j’ai pu vérifier à quel point Instagram nous dictait quoi poster et comment le poster. Le problème, c’est que tout devient identique.
C’est subtil et indolore mais quand vous en avez pris conscience, vous vous posez quand même quelques questions légitimes.
Et si Marshall McLuhan avait raison ? Et si le médium était le message ?
Selon lui, la nature du média de communication est à long terme plus important que le sens ou le contenu qu’il transmet.
Le véritable message étant le média lui-même.
Mais alors : est-ce que je fais réellement les meilleures photos que je puisse faire ?
Ou bien est-ce que je crée des images « Instagram-friendly » ?
Hummm, mais pourquoi… ? Voici quelques pistes de réflexion :
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La course aux abonnés
Avoir le plus grand nombre d’abonnés. Mais comment faire ?
Lorsque vous vous renseignez sur le sujet, l’une des techniques consiste à imiter ce que font les comptes qui drainent déjà des centaines de milliers d’abonnés.
L’objectif, en fait, n’est pas de proposer du contenu original, mais de proposer du contenu qui va plaire. Pourquoi ?
Parce qu’une fois que le compte aura atteint quelques dizaines de milliers d’abonnés, le propriétaire pourra le monétiser.
Autrement dit, il pourra le mettre au service de marques pour promouvoir leurs produits.
C’est un modèle économique que je ne conteste pas, mais dont je doute fortement de la pérennité à moyen terme.
En effet, il est beaucoup moins risqué de produire du contenu qui va plaire au public que du contenu qui plaira d’abord à l’artiste lui-même. Les marques le savent.
Dans un article précédent à propos d’Instagram, j’évoquais déjà ce phénomène : pour qui faites-vous des photos ? Pour les autres ou pour vous-même ?
La conséquence d’un contenu fait pour les autres ? C’est un contenu qui s’uniformise. Ben oui, (presque) tout le monde veut faire des photos qui récoltent des abonnés et des likes !
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L’uniformisation des comptes
Qui n’a pas vu cette veste jaune devant une cascade géante en Islande ?
Non, le port de la veste jaune n’est pas obligatoire pour réussir une photo à cet endroit. Mais elle fait vendre… (voir ci-dessus !)
Je vous parlais plus haut de l’orientation verticale des cadrages, optimisés pour le format Instagram 4:5.
Heureusement que je ne poste pas mes photos uniquement sur Instagram… D’autres plateformes sont plus appropriées pour présenter un travail photographique, artistiquement parlant.
Et si je vous parlais des couleurs ? J’ai remarqué là aussi une évolution vers l’uniformisation. Les photos de ces comptes ont tendance à se ressembler dans leur post-traitement.
Une des règles pour s’attirer les faveurs de nouveaux followers, c’est d’avoir un feed consistent. C’est-à-dire qui soit harmonieux à regarder dans son ensemble.
En d’autres termes, toutes les photos doivent avoir le même aspect.
Si l’aspect visuel des photos a un impact sur la popularité d’une image, le problème survient quand le contenu de la photo est médiocre.
Je vois parfois des images vraiment très bof qui ont du succès. Mais quand je les analyse, une chose me saute aux yeux : elles remplissent les conditions pour plaire sur Instagram.
Les couleurs sont dans la tendance, les accessoires sont présents (veste jaune, lanterne, chapeau de cow-boy, couverture bariolée, tente, canoë…) et une troisième chose me saute aux yeux : la composition.
Cette fois-ci, c’est le media qui veut cela. Beaucoup de photos à succès sur Instagram comportent un sujet centré.
Et c’est vrai qu’étant donné le format imposé par la plateforme, c’est ce qui fonctionne le mieux.
Oubliez les règles et pseudo règles de composition ! Mais pour l’originalité, on repassera…
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La quantité plutôt que la qualité
Avec 100 millions de photos et vidéos téléchargées chaque jour, il faut s’attendre à voir double par moments.
Et quand on sait que la plupart des utilisateurs ne sont même pas trentenaires, il faut parier qu’on va voir les mêmes thèmes souvent !
La quantité. Oui, il faut produire en quantité si l’on veut que le compte grossisse.
Il faut publier au moins une fois par jour. C’est le minimum syndical. J’en connais même qui publient deux, voire trois fois par jour…
Bon, vous vous en doutez, exception faite de quelques rares comptes de très bons photographes professionnels, ce sont souvent des images très, très moyennes, quand elles ne sont pas médiocres. Oui, il faut bien tenir le rythme… !
Et de temps en temps, il y en a une de belle qui passe !
C’est que cela demande beaucoup de travail de publier ne serait-ce qu’une seule photo par jour. Alors, la tentation est grande de publier ce qu’il y a en stock, même ce qui n’est pas bon, pour obéir à cette fichue « régularité-qui-fera-gagner-des-abonnés-et-des-likes ».
Je me suis retrouvé moi-même dans cette position, à plusieurs reprises. Oui, j’ai fait partie du lot. Et je n’ai pas aimé ça. Franchement, j’ai fait le tri dans mes photos depuis. J’ai supprimé de mon compte celles qui n’étaient pas mes préférées.
Depuis, je ne publie que celles que j’ai vraiment envie de publier. La qualité plutôt que la quantité.
Conclusion
Je suis certainement sévère vis-à-vis d’Instagram, mais globalement depuis que j’ai ouvert mon compte, je n’ai pas constaté d’évolution positive.
Surtout depuis son rachat par Facebook…
Ce qui était une plateforme conviviale où l’on pouvait se constituer une communauté de gens ayant les mêmes centres d’intérêts s’est transformé en un business où la forme importe plus que le fond.
Instagram, temple de l’apparence ?
Je ne conserve mon compte que pour deux raisons actuellement : il me sert de vitrine où montrer mes photos, et ils me sert d’outil pour communiquer avec vous, avec mes confrères photographes.
Si tout se ressemble (parce que c’est ce qui plait au plus grand nombre), où se trouve le véritable travail artistique ?
Plus sur Instagram.
Est-ce que je veux participer à ce mouvement uniforme, ou est-ce que je veux créer une œuvre originale ?
Heureusement, et pour finir sur une note d’optimisme, de très belles photos circulent sur Instagram.
Bien souvent, ce sont de petits comptes qui les produisent, mais dont le talent est inversement proportionnel à leur nombre d’abonnés.
Vous en connaissez surement, alors n’hésitez pas à les partager dans les commentaires !
4 Comments
Allcats
Hello Stef,
Bloavezh mat, comme on dit chez nous. Et tous mes vœux de bonheur, de voyages et de couleurs pour cette nouvelle année!
Au passage, un grand merci pour ta vidéo sur LightRoom que j’ai enfin réussi à récupérer via mon mail sfr (pour je ne sais quelle raison, mon adresse yahoo ne daignait pas recevoir le mail, même dans les spams ou autres joyeusetés du même genre…). Depuis ce midi je m’entraîne en suivant tes conseils sur les photos de ma dernière sortie 2018, eh bien ça fait une sacrée différence avec ce que j’en avais fait les jours précédents 🙂
Pour revenir sur le sujet de ton article, je me demande si on n’est pas influencé de manière inconsciente par le fait de voir toutes ces photos « style Instagram », et qu’on copie ce que nos yeux se sont habitués à voir, au lieu de chercher à faire parler la photo en mettant en lumière ce que l’on veut exprimer à travers l’image qu’on livre.
De plus, c’est un sacré boulot personnel (et technique^^) que de se forger un style, et il est plus ‘naturel’ de se fondre dans la masse en reproduisant ce qu’on a l’habitude de voir. Que ce soit pour la photo ou pour d’autres domaines.
La grosse difficulté je trouve, pour un débutant comme moi, c’est de ne pas juger ses propres choix (de sujet ou de composition, pas du rendu final que je ne maîtrise pas encore) en fonction de ce style « dominant », et de ne pas tout jeter en rentrant une fois rentré de sortie.
Après tout, comme tu le dis, on fait des photos pour soi même avant tout, et le plus important est le plaisir qu’on y prend. De mon côté, je m’éclate autant à crapahuter en cherchant des endroits qui me plaisent, installer mon trépied, réfléchir aux réglages (et m’auto-engueuler quand mes choix n’étaient pas les bons^^), qu’à regarder ce qui sort de la bête une fois rentré.
A bientôt
Stef Kocyla
Salut Olivier,
Merci pour tes vœux, je te souhaite également une excellente nouvelle année, avec tous mes vœux de santé et de bonheur ! Et beaucoup de belles photos !
Je suis vraiment content que ma vidéo t’aide dans le développement de tes photos, merci aussi pour ce retour d’expérience ! Comme avec la prise de vue en photographie, le post-traitement demande en effet de l’apprentissage, de la pratique et encore de la pratique !
Je suis tout à fait d’accord avec toi sur l’influence des médias sur notre style, et dans le fond je n’ai rien contre…le soucis, c’est quand une influence devient omniprésente au point de dicter la majorité de nos choix. Oui, il faut du temps pour trouver son style en photo, et cela se fait grâce à de multiples influences, entre autres. D’où la nécessité d’être curieux et de s’inspirer d’autres formes de photographie ou plus largement d’autres formes d’art.
Tu as de bons réflexes en photographiant ce que tu aimes, car c’est la seule façon de progresser et ce, sur une période de long terme. On ne fait bien que ce que l’on aime beaucoup, au point de s’y investir totalement. Et c’est vrai, cela passe par quelques auto-engeulades…😂😅
Merci pour ce commentaire et à bientôt !
Piotr
Il y a encore de supers comptes et de très belles rencontres virtuelles sur instagram mais le plaisir n’y est plus sachant que d’ici 2,3 ans max, tous les efforts fournis se termineront pareil, comme pour facebook, en reach naturel grandement diminué sauf pour ceux qui payent car instagram considèrera que si on a plus de 10K, on est bon pour être un portefeuille ambiant… et puis que l’on le veuille ou non, être constamment sous le flux d’autres photographes et la pression de l’algo, uniformise notre style, nous force à la production en quantité au détriment de la qualité… non, 2019 sera pour moi un détachement des réseaux sociaux et on se recentre sur l’essentiel, ce qui m’a permis de décoller en tant que créateur et de créer ma communauté : le blog.
Stef Kocyla
Hello Piotr,
nous faisons le même constat, que ce soit Facebook ou Instagram, ces réseaux sont de plus en plus business et de moins en moins sociaux. Tu as bien raison de te recentrer sur ton blog, que j’adore au passage…
Moi, le blog, c’est ce qui me manquait et j’avoue que depuis que j’ai créé celui-ci, j’y passe 90% de mon temps derrière les écrans, pour l’enrichir et partager toujours davantage de contenu de qualité.
Merci de ta visite et pour le partage de tes impressions, je te souhaite une excellente année 2019 !!