Le problème d'instagram pour les photographes
Philosophie

Le problème d’Instagram pour les photographes

 

Parfois, on fait des choses sans se rendre compte qu’elles nous ont été insufflées par quelqu’un d’autre, ou quelque chose d’autre.

Souvent pour le meilleur, parce qu’on s’inspire de ce que l’on aime, de ce que l’on trouve beau, de ce que l’on admire.

Mais parfois, ce qui partait d’une bonne intention, se transforme en de mauvaises habitudes.

Ça m’est arrivé en photographie. Avec Instagram.

Oui, Instagram peut poser un problème pour les photographes.

 

Instagram au début

 

À l’origine, il y a cette plateforme très agréable (trop… ?), novatrice lors de sa sortie, de partage de photographies accompagnées de courtes descriptions.

On se pique rapidement au jeu, et pour nous, photographes, c’est l’endroit idéal pour partager notre travail.

On publie ses premières photos, on se connecte à quelques autres personnes, on reçoit ses premiers likes, ses premiers commentaires, ses premiers abonnés.

Tout va bien, la vie est belle, on y passe de plus en plus de temps.

Sans s’en rendre compte…

Puis vient le temps où on ne reçoit plus autant de likes, de commentaires et d’abonnés qu’avant.

Alors on cherche à comprendre, et on découvre l’existence de l’algorithme.

Ah l’algorithme !

Il semble tout puissant, et surtout, il semble faire exprès de nous défavoriser, au profit d’autres personnes… Mais pourquoi ?

Puis on s’aperçoit qu’il faut poster des photos tous les jours, de très bonnes photos pour susciter l’engagement.

C’est là qu’Instagram m’a perdu.

D’un coup, j’ai levé les yeux de mon écran de téléphone, et je me suis demandé ce qui n’allait pas chez moi.

Pourquoi j’éprouvais une sensation de mal-être en étant sur Instagram ?

Pourquoi quelque chose de ludique, de fun, d’inoffensif (à priori), ne me faisait plus plaisir ?

Comme si j’étais…frustré.

Alors j’ai pris du recul, beaucoup de recul.

Comme je l’ai toujours fait avec quelque chose ou quelqu’un que je n’arrive pas à cerner.

Comme lorsque je perds le contrôle.

J’ai longuement réfléchi à ce que je ressentais, et je n’ai pas aimé ce que j’ai découvert.

Pour commencer, je passais beaucoup de temps sur mon téléphone.

La clé, comme toujours dans la vie, c’est le temps.

Quelle valeur accordez-vous au temps qui passe ?

Pour moi, il est plus précieux que l’argent. Et voilà que je dilapidais quelque chose de précieux dans une activité pour laquelle je n’éprouvais plus de plaisir, et qui ne me rapportais rien.

En y réfléchissant bien, je me disais que si je passais 1 heure par jour sur Instagram, c’était donc 7 heures par semaine, 28 heures par mois de perdues. Autant d’heures perdues, pendant lesquelles je ne faisais pas autre chose.

Autre chose d’enrichissant, de créatif, d’épanouissant.

Faites le calcul pour vous. Combien de livres auriez-vous pu lire pendant ce temps, combien de photos auriez-vous pu faire, quel sport auriez-vous pu pratiquer, quel projet auriez-vous pu mener pendant tout ce temps ?

Bien sûr, tout n’était pas négatif, je continuais à publier mes photos et à me connecter à d’autre personnes. Photographes ou non.

Certaines de ces personnes, les premiers abonnés, se reconnaîtront. Je suis toujours en contact avec elles, avec eux.

Le problème d'instagram pour les photographes
Photo Stef Kocyla

 

La loi d’Instagram

 

Aujourd’hui, je ne joue plus sur Instagram. Parce que c’est un jeu. Mais un jeu dont vous ne maîtrisez pas les règles, parce que les règles changent tout le temps.

Quel joueur sensé oserait jouer à un jeu dont il ne maîtrise pas les règles. Posez la question à un joueur de poker, un joueur de foot, un joueur d’échecs…

D’ailleurs, les réseaux sociaux sont rangés dans la case des addictions au même titre que les jeux de hasards et les jeux vidéos dans certains pays.

Comme dans un casino, tout est minutieusement étudié pour vous empêcher de quitter les lieux, pour que vous perdiez la notion du temps, et si possible que vous y dépensiez le plus d’argent possible.

Mais pour les photographes, il y a d’autres conséquences, plus sournoises.

Comme le format des photos. On le sait, même si Instagram le permet, la plateforme n’aime pas le format « paysage ».

Instagram étant une application pour smartphones, l’écran du smartphone étant vertical, les photos qui ont le plus d’impact sur leur audience sont les photos en mode « portrait », verticales. Logique.

Mais d’un point de vue photographique, c’est là que le bât blesse…

Si faire des photos verticales n’a rien de choquant, ça le devient lorsque les ¾ de vos photos le sont.

Comme le jour où je me suis rendu compte que j’avais raté mes photos parce que je les avais faites uniquement dans ce format, en pensant à ce qu’elles donneraient sur Instagram.

Alors que j’aurai pu faire des photos horizontales et les recadrer ensuite dans Lightroom.

Bref, Instagram pose problème aux débutants en photographie aussi pour d’autres raisons :

À commencer par les lieux. C’est une catastrophe à certains endroits.

Je vous invite à lire cet excellent article à ce sujet. Pour continuer sur le thème de l’addiction, Instagram va encore plus loin en poussant les débutants à ne plus être créatifs.

L’idée ? Puisque certaines photos sont populaires (notez bien le terme : « populaires » et non pas « de bonne qualité »), certains photographes vont simplement les reproduire.

Même mannequin avec une longue robe et un chapeau, mêmes mises en scènes, mêmes lieux, mêmes filtres…

Plus rien d’original et d’authentique.

D’ailleurs, j’en avais déjà un peu parlé dans cet article, « comment rester authentique en photographie ».

Quand vous y réfléchissez bien, nous sommes les perdants.

C’est bien connu, le casino gagne toujours.

C’est nous qui alimentons la plateforme de belles photos. Gratuitement.

C’est nous qui travaillons. C’est Instagram qui engrange les dollars de publicité.

C’est nos émotions qui font les montagnes russes. C’est Instagram qui reste imperturbable.

Pour voir souvent les états d’âmes de mes copains et copines photographes dans leurs stories à propos de leur présence sur Instagram, pour en discuter régulièrement avec certains d’entre vous, je sais que nous sommes tous pareils.

Ma vie a changé le jour où j’ai failli supprimer mon compte. Comme je l’explique dans cet article.

Étant à un clic de sa suppression, je me suis aperçu que j’allais perdre le seul côté utile et franchement génial de cette application : la connexion aux autres.

Bien sûr, c’est toujours aussi un endroit où je peux publier mon travail. Mais il y en a d’autres, Instagram n’est pas unique, ni indispensable pour ça.

Je connais d’ailleurs quelques photographes qui ont purement et simplement supprimé leur compte. Et qui s’en portent mieux aujourd’hui.

Mais moi, je me sers surtout d’Instagram pour sa messagerie.

Vous voyez, toute la différence est là maintenant : c’est moi qui me sers d’Instagram, et non plus l’inverse.

 

Conclusion

 

Demandez-vous toujours ce qui est bon pour vous. Si vous avez un doute, prenez du recul. Et réfléchissez.

Personnellement, le temps est un de mes biens les plus précieux. Mais ma liberté l’est certainement encore davantage.

Ma liberté de choisir de faire ce que je veux, quand je le veux, où je le veux. Si vous jouez le jeu d’Instagram, vous perdez cette liberté, et vous perdez littéralement votre temps.

Si vous n’êtes pas satisfaits d’Instagram, rappelez-vous ceci : Instagram doit rester un outil, un instrument pour vous exprimer. Rien de plus.

Instagram n’est pas une fin en soi. C’est un médium. Même si quand on y réfléchit bien, on se demande si « le médium n’est pas le message » (Marshall McLuhan, théoricien de la communication).

Je suis vraiment impatient de lire vos commentaires sur ce sujet, expliquez-nous comment vous vivez votre relation avec Instagram…

16 Comments

  • Julien

    Merci pour cette vision et ce ressenti personnel… bien que partagé 😉 Je pense que vous avez dit l’essentiel, Instagram doit rester un outil, et on doit y prendre plaisir.

    C’est comme tout ce qui est matériel dans la vie, ce sont des outils, et la conscience nous permet de les utiliser, plutôt que de nous faire manipuler par eux.

    Centrons nous, ressentons ce qui nous fait du bien, nous sommes dotés de cette extraordinaire capacité qui nous permet de savoir ce qui est bon ou mauvais pour nous… nous avons juste à nous y connecter 😉💕

    • Stef Kocyla

      Bonjour Julien,
      merci pour ce partage d’expérience avec lequel je suis tout à fait d’accord, à bientôt !

  • Tessa

    Bonjour Stef, Eh oui, Instagram, Facebook et autres sont sérieusement chronophages et champions pour nous faire plonger dans l’addiction! J’ai failli aussi me faire prendre à essayer de poster une photo par jour sur Instagram et en fait cela m’a rapidement ennuyée et je suis maintenant d’une irrégularité à toute épreuve…je poste quand ça me chante. Je regarde ce que font les autres plus que je n’y mets des photos. Et, à vrai dire, je suis souvent assez déçue de ce que je vois, excepté certains photographes que je trouve digne de cette appellation qui sont parcimonieux et vrais. Évidemment les enjeux ne sont pas les mêmes pour tous, je ne suis pas une pro et ne vis pas de la photographie, et n’éprouve pas non plus un besoin constant de montrer mes photos, bien au contraire jusqu’à présent…qui sait un jour peut-être. Dans une première vie, si je peux dire, j’ai beaucoup dessiné et peint, et j’ai fait des expositions dans plusieurs galeries. À ce moment-là montrer mon travail me semblait hyper important et j’aurais bien voulu en vivre, mais ce ne fut jamais suffisant et il m’a fallu changer de métier. Il est vrai que la retraite donne elle aussi une forme de liberté lorsque l’on ne doit plus se soucier de gagner sa vie, même si ladite retraite est assez maigre. Bon, j’ai un peu dépassé le sujet, sorry! Bien à toi, Tessa

    • Stef Kocyla

      Bonjour Tessa,
      haha je me reconnais bien là, dans ton retour d’expérience ! Je pense que montrer son travail est important en effet, quelque soit la forme d’art, mais que l’on peut vite confondre l’outil avec le but recherché. Instagram est pour moi un moyen, parmi d’autres, de montrer mon travail. D’ailleurs, ce serait très dangereux pour un artiste de dépendre d’un seul moyen de montrer son travail, il vaut mieux ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier comme on dit…(toute référence avec Pâques est purement fortuite…😂)
      Merci beaucoup pour ton message, à bientôt !

    • Eva

      J’ai commencé la photographie au mois d’août dernier. Pas d’écoles ou de diplômes juste une passion pour créer, raconter et transmettre/ partager. Ce besoin de photographier est devenu viscéral, comme une mission de vie. Il m’est souvent arrivé de prendre des photos et de rester réveillée jusqu’à 3h du matin pour éditer mon travail. Et je n’étais pas fatiguée je me sentais juste passionnée. Puis j’ai essayé de faire grandir ma communauté sur Instagram, aucune envie de devenir “populaire”, j’avais juste l’ambition de créer une communauté ou même rien que d’aller à la rencontre de personne aussi passionnées que moi par la photographie et l’art en général. Et ce qui est très dur c’est que parfois les photos que je prends me semblent tellement authentiques, semblent raconter une histoire que j’imagine que lorsque je la publierai je serai reconnue par le monde photographique ou artistique. Je ne dis pas que je suis la meilleure, je dis juste que j’essaie de transmettre un message via la photo. Et le fait de voir que je ne reçois pas de reconnaissance ou très peu , me donne parfois envie de tout laisser tomber. J’en viens à évaluer mon travail par rapport aux nombres de j’aime que j’obtiens. Je me retrouve à aller à la pêche aux hashtags “tendance”, à poster à des heures stratégiques. Et je trouve que cela détruit toute la spontanéité de cette passion. Est-il possible de construire une communauté, rencontrer des passionnés autre qu’en mendiant les like et les vues ?

      • Stef Kocyla

        Bonjour, merci votre long message, qui mériterait une réponse au moins aussi longue… vous avez mis le doigt sur le problème d’Instagram pour les photographes : réussir à ne pas tenir compte des likes pour évaluer son propre travail. Problème que n’aura pas un autre corps de métier… Dans ce cas il faut bien avoir conscience que la popularité d’un photographe n’est forcément liée à la qualité de son travail. Et oui il est possible de fédérer une communauté autour de sa photographie. Ce ne sera possible que si votre travail est authentique, et non fait pour trouver des likes. Les likes ne sont pas une reconnaissance. Bonne continuation et bonnes photos !

  • serge

    Bonjour,
    Je ne suis pas allé au bout de l’article « Dénaturer la nature sur instagram » … j’ai eu le « bourdon ». C’est une info ! Je connais plein d’endroits où je suis seul quand je me promène.
    Sergio

    • Stef Kocyla

      Bonjour Serge,
      oui je vous comprends, l’envers du décor d’Instagram n’est pas réjouissant…Heureusement qu’il existe encore des endroits préservés, pourvu qu’ils le restent le plus longtemps possible ! À bientôt !

  • laurie antocicco

    Très bon article. Je me retrouve beaucoup dans cette analyse. Je me rends compte que le piège des réseaux m’a aussi fait oublier pour mon travail de photographe de privilégier un réseau humain et physique et de ne pas tout attendre des réseaux pour espérer être visible et attirer des clients… car c’est une fausse visibilité au final. Depuis que j’ai rééquilibré mon utilisation pour ne plus y donner toute la place et miser ailleurs ça va bcp mieux =)

    • Stef Kocyla

      Bonjour Laurie,
      oui c’est tout à fait ça, ne pas perdre de temps en ligne au détriment de notre vrai travail, celui qui nous plait, qui nous passionne, au contact de vraies personnes, clients, copains, copines etc… C’est une question d’équilibre, et je suis ravi que tu ais trouvé le tien, à bientôt !

  • Daniel Welter

    Effectivement, il faut éviter de se laisser « embrigader » par les réseaux sociaux et pour ce qui est du format des photos publiées, j’ai résolu le problème grâce à PS en les enregistrant systématiquement avec une zone de travail carrée, ce qui évite aussi de voir sa photo recadrée par Instagram.

    • Stef Kocyla

      Bonjour Daniel,
      merci pour votre message, en effet pour éviter de subir le format d’Instagram, il vaut mieux le devancer comme vous le faites,
      à bientôt !

  • Olivier

    Hello Stef,

    Complétement d’accord avec ta réflexion.
    Perso, je me suis lassé d’Instagram, d’abord pour son côté extrêmement chronophage comme tu le soulignes (je préfère aller dans la nature :)), et également parce que je n’y ai pas trouvé ce que je recherche : si je poste une photo, j’ai envie d’avoir un peu de fond dans les commentaires (ce qui va et ne va pas, ce qui aurait pu être amélioré et ce qui est bien vu), pas juste un « wow » ou un pouce levé.
    Pour l’instant, je n’ai pas encore trouvé l’endroit idéal pour remplir ce rôle, à part le club-photo.

    A bientôt 🙂

    Olivier

    • Stef Kocyla

      Salut Olivier,
      oui Instagram n’est pas le bon endroit pour recevoir du bon feedback, qui ne soit pas biaisé par la volonté de flatter l’ego du photographe qui a posté la photo. D’autre part, il est difficile d’obtenir des avis constructifs sur d’autres plateformes, comme les forums, et je pense comme toi qu’il vaut mieux s’entourer de copains photographes, au sein d’un club photo par exemple, pour recueillir ce genre d’information.
      Merci pour ton commentaire éclairé et à bientôt !

    • Thierry leraie

      Superbe raisonnement, si les addicts des réseaux sociaux raisonnaient comme vous, les réseaux sociaux risqueraient de s’écrouler,car les publicités quitteraient a leur tour, les réseaux…
      « La vie est ce que tu en fais »🙏
      En répétant cette simple petite phrase, on comprend que nous sommes seul responsable et décideur de ce qui nous arrive…( C’est extrait du livre : »la petite voix »….a la page du 10 avril )
      Namaste 🙏

  • Thierry leraie

    Superbe raisonnement, si les addicts des réseaux sociaux raisonnaient comme vous, les réseaux sociaux risqueraient de s’écrouler,car les publicités quitteraient a leur tour, les réseaux…
    « La vie est ce que tu en fais »🙏
    En répétant cette simple petite phrase, on comprend que nous sommes seul responsable et décideur de ce qui nous arrive…( C’est extrait du livre : »la petite voix »….a la page du 10 avril )
    Namaste 🙏

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